Prix de l’Ermitage 2023 au Sénat
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DISCOURS ACCUEIL SYLVIE DISCOURS MB Madame la Vice-présidente du Sénat, chère Sylvie Robert, chère marraine de l’Ermitage qui a pris la suite à partir du départ à la retraite de l’ancien questeur Jean-Pierre Sueur, merci de nous accueillir au Sénat au nom du président Gérard Larcher ! Je voudrais tout d’abord saluer tout ce qui nous réunit, et qu’avait bien perçu Jean Pierre Sueur en nous présentant l’une à l’autre, saluer votre engagement dans la culture, comme vous je partage l’idée que la culture permet d’acquérir un sens critique et la liberté de choisir, saluer aussi votre tempérament de travailleuse acharnée, avec le sens de ce qui est utile, née comme moi sous le signe de la Vierge, vous êtes optimiste et pragmatique pour faire avancer les projets culturels, enfin votre nature de femme de conviction pour lutter contre les inégalités sociales et la culture pour tous, votre désir que je partage pleinement de protéger les artistes, qui sont nos enfants créateurs… Je voudrais aussi saluer vos collaborateurs, leur souci de simplifier une organisation alourdie par le plan vigie pirate, urgence attentat depuis l’assassinat du professeur d’Arras, Cyril Novakovic et Liliane Giron qui m’ont aidé tout au long de ce projet avec gentillesse et réactivité. C’est un honneur pour la fondation, consacrée aux arts et aux lettres que j’ai créés il y a 10 ans, qui a été inauguré par Jack Lang, de remettre dans cette maison prestigieuse les deux prix de l’Ermitage, Claude Mollard et moi-même nous vous en sommes très reconnaissants. Chers amis de l’Ermitage, je salue en votre nom les personnalités présentes, les artistes et les journalistes que nous soutiennent. J’appelle à nos côtés le sénateur Xavier Iacovelli, le député Pierre Cazeneuve, le maire Jean-Pierre Lecoq, le directeur de la DRAC, Laurent Roturier qui représente la ministre de la culture, la VP de la Région, Anne-Louise Mésadieu qui représente la présidente Valerie Pécresse. Aujourd’hui nous célébrons le 10ème prix Art et Nature de l’Ermitage décerné à Jean-Pierre Luminet et la donation, les deux mondes, que l’Ermitage a proposé au MAE et le 2er prix littérature et nature décerné à Erik Orsenna pour son ouvrage, la terre a soif, qui a tant marqué l’identité de l’Ermitage. Juste quelques mots de rappel sur notre identité, tout d’abord c’est l’art anthropocène qui, par antinomie, nous anime, sa vigilance écologique nous alerte sur la menace que l’homme s’adresse à lui-même. Nos artistes expriment une ode à la nature, dont nous venons et qui rend possible notre existence. Vous avez pu admirer, en début d’après-midi, les œuvres de nos lauréats à la mairie du VI grâce à l’accueil de Jean Pierre Lecoq. Ensuite, c’est l’esprit des salons, qui nous habite, aujourd’hui on appelle cela les échanges interdisciplinaires, ici, à l’Ermitage se cultiver, c’est faire un exercice d’admiration, de sympathie intérieure loin de la critique froide. Je voudrais, avant de vous présenter nos lauréats, d’abord remercier mon jury qui les a choisis : ALAIN BARATON notre président d’honneur, Esther Ségal, Jean Luc Mathon, Yves Bomati, Constance Fulda, que j’appelle à nos côtés. Qui est Jean Pierre Luminet ? Je l’appelle mon Léonard de Vinci…Comme Vinci, il sait qu’il faut s’instruire de la nature, car c’est là que réside notre futur. Né en 1951 en Provence, Jean-Pierre Luminet a passé une enfance contemplative, pratiquant la musique, les arts graphiques et l’écriture. Féru également de mathématiques et d’astronomie, il a choisi de suivre une filière scientifique tout en poursuivant ses activités artistiques et littéraires. Chercheur au C.N.R.S. depuis 1979, il a exercé à l’Observatoire de Paris jusqu’en 2014. Aujourd’hui directeur de recherches émérite au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille, ses travaux scientifiques sur les trous noirs et la cosmologie ont fait sa renommée internationale. Il est lauréat de nombreux prix, et l’astéroïde (5523) Luminet porte son nom en hommage à ses travaux. Il est également Officier des Arts et des Lettres. A ses activités de scientifique il ajoute en effet celle d’auteur d’une œuvre protéiforme où science, histoire, musique et art sont liés. Il a publié environ 30 ouvrages, une quinzaine d’essais, sept romans et dix recueils de poèmes, traduits en une douzaine de langues. Passionné par les relations entre science et art, il a maintes fois collaboré avec divers artistes pour la conception d’œuvres inspirées par les découvertes scientifiques. Dans le domaine des arts plastiques, il s’est adonné au dessin, à la gravure (apprise avec Jean Delpech à l’Ecole Polytechnique) et à la sculpture. Il a présenté ses œuvres graphiques dans plusieurs expositions nationales et internationales. Comment l’ai-je rencontré ? En 2022, il m’a proposé une exposition dédicace, qui nous avons appelée NOIR, et qui traitait de la nature cosmique, de la courbure de l’espace-temps, des trous noirs… Et notre accord a été immédiat car il a été sensible à notre démarche de décloisonner les différents domaines de la connaissance, car la créativité dans l’art et la science fait partie intégrante de la recréation d’un nouvel « humanisme des savoirs », dans lequel les arts et les sciences ne doivent pas être opposés sous forme de deux cultures œuvrant de manière différente, mais liés parce qu’ils reposent sur les mêmes instincts et intuitions issus de l’imagination humaine. A ma question : d’où vient votre passion pour le Noir ? Il me répond, dans ma double démarche de scientifique et d’artiste, je perçois quelques éléments communs de mon imaginaire, et qui stimulent ma créativité dans les deux domaines. J’ai toujours été ému par le noir. Non pas le noir en tant qu’absence, mais au contraire comme révélateur de la lumière. Toutes mes recherches scientifiques et artistiques tournent autour de l’invisibilité et de ce qui se trouve caché derrière... Je crois que la condition humaine est fondamentalement noire, mais cache une lumière qu’il faut aller chercher à travers des phases obscures de l’existence, telles la dépression, la mélancolie, la solitude… En art plastique, j’ai choisi l’encre de chine et la gravure pour exprimer ce qui me fascine : l’exploration du noir. Dans son premier million d’années, nous disent les théories cosmologiques modernes, l’Univers était opaque. Pourquoi ? Parce que l’Univers était dominé par la lumière. Au cours de cette ère dire « radiative », l’Univers était en quelque sorte tellement lumineux que la lumière ne pouvait même pas jaillir. Il est tout aussi fascinant de constater que la question du destin ultime de l’Univers se ramène à mesurer la quantité de matière noire et d’énergie sombre. En effet, on sait aujourd’hui que la masse de l’Univers est largement dominée par de la matière invisible, constituée de corps massifs non lumineux qui, par leur action gravitationnelle, gouvernent la dynamique cosmique. De la même manière la psyché est composée de 90/100 d’inconscient…Chercher la lumière derrière l’ombre revient à accepter totalement la vraie réalité, intérieure et extérieure. L’infini, c’est bien l’aspiration de l’ange, peut être le passé de l’homme, celle qu’éprouve depuis toujours l’être humain retenu sur terre par la gravitation... De même que la lumière est l’aspiration de l’être emprisonné dans le noir. Qu’est ce qui m’a touché chez lui ? Sa tendresse et son originalité, son refus de choisir entre art et science, sa profonde humanité et son esprit de synthèse. A ma question : à travers l’histoire de l’art, quelle forme a pris la problématique ombre lumière ? Il me répond : « Le peintre, lui, perçoit peut-être plus que tout autre créateur la problématique ombre/lumière. Regardons l’évolution de la peinture occidentale. Selon moi, elle commence réellement au XIIIe siècle, en Italie, avec des artistes comme Cimabue et Giotto qui inventent de nouveaux traitements de la couleur, de la lumière, de l’espace. Au XIVe, Uccello découvre la perspective, et un peu plus tard, dans les écoles du nord de l’Europe, la peinture à l’huile (attribuée à Van Eyck) se met à remplacer la fresque. Or l’huile, par sa douceur et par une nouvelle fusion des couleurs, permet de réaliser l’unité spatiale. La peinture atteint ainsi son point culminant aux XVe et XVIe siècles avec les écoles italiennes et flamandes, et des artistes tels que Lippi, Botticelli, Grünewald, Van der Weyden, Vinci. Puis le déclin est rapide. À partir du XVIIe siècle l’obscurité – au propre et au figuré – envahit la peinture. Une raison purement pratique est que les peintres ont perdu le secret de la fabrication des couleurs, ce qui fait qu’aujourd’hui nombre de toiles de cette époque ont des teintes maussades et noircies. Mais je parle surtout de la lumière intérieure des tableaux. De profondes raisons culturelles et sociales ont sans doute joué pour expliquer cette chute de la peinture dans le noir ... Peut-être les artistes n’ont-ils plus su capter la lumière intérieure ; en se contentant de dépeindre le plus fidèlement possible la nature extérieure, ils ont sombré dans l’académisme. Bien entendu il y a eu de formidables exceptions, tels Rembrandt, bien sûr, Le Caravage ou Georges de la Tour. Chez ce dernier, d’ailleurs, il est frappant de constater que les sujets baignent dans un océan de ténèbres parfaitement voulu et maîtrisé, qui fait justement ressortir la lueur d’un visage, d’un regard. Les historiens de l’art appellent ce style le « ténébrisme » ! Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que la peinture renaît enfin à la lumière, avec l’impressionnisme.. J’ai bien conscience d’être très réducteur en résumant ainsi l’histoire de la peinture, et de toutes façons, tout ce qui relève du jugement esthétique n’engage que son auteur ! A ma question : quel enfant créateur étiez-vous ? « Je n’avais pas vraiment l’esprit pratique, n’ayant par exemple jamais eu l’envie de démonter un poste de radio pour voir comment ça fonctionnait. J’observais la nature mais je n’interagissais pas vraiment avec elle. Je me posais plutôt des questions d’ordre abstrait sur l’organisation du monde. Je classais mon petit savoir, j’avais surtout une passion multiforme pour quantité de choses. En réalité ce qui m’intéressait c’était la création, de sorte que toute forme de pensée créatrice m’a très tôt touché. C’est la raison pour laquelle, très encouragé par ma mère, j’ai assez vite pratiqué le dessin, la peinture, et à douze ans je remplissais des cahiers entiers de poésie ». Dès lors, quelles sont pour vous les « règles de la créativité « scientifique ou artistique ? « On m’a souvent demandé comment concilier rigueur scientifique et liberté d’expression artistique. Je réponds : par la structure ! Mon goût prononcé pour la structure prend peut-être racine dans ma pratique des mathématiques et de la physique théorique, à moins qu’il ne l’ait suscitée... L’art, tout comme la science, a tout à gagner à se soumettre à des règles dont la rigidité interdit l’à-peu-près et le flou. Si le point de départ d’une œuvre est souvent une conjonction de hasard et d’intuition, c’est par un travail lucide et difficile de « mise en structure » qu’elle prend vraiment corps. Réflexion/intuition, intelligence/instinct me semblent être les pôles antagonistes et complémentaires qui gouvernent la créativité. Revenons à notre donation : c’est ce tableau « les deux mondes » que le FCE a souhaité donner au MAE par l’intermédiaire de sa DG Anne Catherine Robert Hauglustaine. Les deux mondes » date : 1991 Technique : dessin à l’encre de chine. Dimensions : 54 X 77 cm Valeur 8000 euros Cette encre de Chine originale, construite sur une perspective plongeante dont toutes les lignes convergent vers un point de fuite central, illustre le vertige du monde moderne, symbolisé par des gratte-ciels dont la croissance fait éclater la mince coquille protectrice – une sphère en damier – sur laquelle reposent des châteaux crénelés de l’ancien monde, dont jaillissent d’impraticables escaliers. Les violents contrastes entre les zones noires et les zones blanches du monde moderne s’adoucissent en niveaux de gris dans les architectures plus subtiles du monde ancien. DISCOURS JP LUMINET DISCOURS AC ROBERT- HAUGLUSTAINE, DG MAE MB Comment est né notre second prix, le prix littérature et nature de l’Ermitage ? Cela fait dix ans que j’y pense, pourquoi ? Pour compléter le prix art et nature et nous inscrire concrètement dans cet esprit des salons que nous définit. Pour cela il fallait trouver les moyens de le réaliser : une dotation, un jury, définir des critères de sélection, des éditeurs, sélectionner des auteurs… Et aujourd’hui nous célébrons notre second prix ! Qui est notre second lauréat ? Erik Orsenna ? de son vrai nom Éric Arnoult, Orsenna est une ville imaginaire située dans le livre de Julien Gracq : Le rivage des Syrtes. Erik Orsenna, chacun connaît sa vie, sa précocité et sa curiosité intellectuelle, son regard malicieux, ses convictions socialistes et sa passion pour notre planète… Il est né le 22 mars 1947 à Paris, est l’aîné d’une fratrie de trois enfants nés dans une famille bourgeoise dysfonctionnelle car les deux parents ne s’entendent pas. Il adhère au PSU à 17 ans et entre en hypokhâgne au lycée La Bruyère à Versailles en 1964. Il étudie à l’Institut d’études politiques de Paris, dont il obtient le diplôme en 1968, section Politique et sociale. Il est titulaire d’un doctorat en sciences économiques à l’université Panthéon Sorbonne en 1975. En 1981, il devient conseiller au ministère de la Coopération auprès de Jean-Pierre Cot, s’occupant des matières premières et des négociations multilatérales. Il est la plume de François Mitterrand, dont il est conseiller culturel de 1983 à 1984 avant d’être nommé maître des requêtes au Conseil d’État en décembre 1985, puis conseiller d’État en juillet 2000, avant d’être en disponibilité de cette institution. Il a reçu le prix Goncourt et le prix Goncourt des lycéens en 1988 pour L’Exposition coloniale. Il est élu membre de l’Académie française au 17e fauteuil, le commandant Cousteau le précédent, le 28 mai 1998. Il soutient François Hollande, le candidat PS à l’élection présidentielle de 2012. En 2014, il devient membre du comité de surveillance de GreenFlex, société proposant aux entreprises des solutions visant à favoriser leur transition environnementale, sociétale et énergétique. Le 27 février 2016, il est élu président de la Maison Elsa Triolet-Aragon à Saint-Arnoult-en-Yvelines. Il soutient le candidat du mouvement En marche Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle de 2017, EM qu’il a connu dans la commission Attali en 1984. Il est père de deux enfants et Commandeur de l’ordre du Mérite agricole depuis 2020. Qu’est-ce qui m’a touchée chez lui ? Son talent de conteur océanique qu’il doit à sa mère : Dans ce livre qui nous occupe aujourd’hui, il parle de sa mère qui enfant lui racontait des histoires avant qu’il ne s’endorme et confie que sur son bureau les cendres de sa mère lui rappelle comment se laisser emporter par un récit… En 2023, Erik Orsenna publie la terre a soif, un livre qui m’a considérablement marquée et qui retrace l’épopée des grands fleuves de la planète tant sur le plan mythologique que technologique, mille émerveillements nous attendent, de plus en plus souvent accompagnés d’effroi. Comment l’ai-je rencontré ? J’aurais pu le rencontrer en 1964 au Lycée La Bruyère de Versailles ou rue saint guillaume à Paris en 1968, ce n’est qu’en communiquant en 2014 avec Claude Mollard et lui sur les Origènes, que dix ans après je suis heureuse de lui remettre ce prix pour ce livre exceptionnel, la terre a soif. DISCOURS ALAIN BARATON, président du jury DISCOURS ERIK ORSENNA DON CLAUDE MOLLARD Origène des vallons Je remercie aussi Jean Louis Laborde pour son aide précisuese dans le financement du cocktail. Et vous tous, chers amis de l’Ermitage, pour votre présence pour féliciter nos lauréats. DISCOURS DE CLOTURE : représentants du Sénat, de l’Etat puis du Parlement : DISCOURS DE LAURENT ROTURIER, DG DRAC, représentant la ministre de la culture, pourquoi la DRAC aide l’Ermitage ? DISCOURS ANNE LOUISE MESADIEU, VP REGION représentant la présidente de région : pourquoi Région aide FCE ? DISCOURS JP LE COQ, pourquoi mairie du VI accueille l’exposition Influences anthropocènes ? Le Prix littéraire du Fonds culturel de l’Ermitage. Prix Gérard de Nerval, littérature et nature : « Souvent dans l’être obscur habite un dieu caché, Et comme un œil naissant couvert par ses paupières, Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres ! » Chaque année, depuis 2022, le Prix littéraire du Fonds culturel de l’Ermitage, récompense un écrivain francophone portant un regard sur la relation de la littérature à la nature. Décerné par un jury composé de représentants d’institutions, d’écrivains célébrés et de lecteurs éclairés, le Prix consiste en une dotation. Les précédents lauréats furent : Didier Van Cauwelaert : journal intime d’un arbre, Lafont Éric Orsenna : la terre a soif, Grasset Le Prix d’Art contemporain Du Fonds culturel de l’Ermitage. Prix Léonard de Vinci, art et nature, « Prends tes leçons dans la nature, c’est là que réside notre futur » Chaque année, depuis 2014, le Prix du Fonds culturel de l’Ermitage récompense un artiste francophone et citoyen du monde. L’exposition du Prix est confiée à un commissaire qui porte un regard sur l’art anthropocène. Décerné par un jury composé de représentants d’institutions, de précédents artistes lauréats, de collectionneurs, le Prix consiste en l’achat d’une œuvre à l’artiste lauréat offert à un musée en lien avec le travail récompensé.